L’histoire de la guitare électrique est une saga fascinante, tissée de multiples évolutions et innovations, portant également l’empreinte de technologies novatrices. À l’image de nombreuses inventions, elle trouve ses racines dans une série d’événements clés. Comme pour Karl Benz et la voiture à essence, ou Thomas Edison et le phonographe, la guitare électrique a son propre récit à démêler entre mythe et réalité.
Les pionniers de l’amplification
À la fin du XIXe siècle, George Breed, officier de l’US Navy, dépose un brevet en 1890 pour un dispositif électrique installé sur une guitare. Cet appareil transformait les vibrations des cordes en courant électrique, marquant ainsi les prémices de l’électrification des instruments à cordes. Bien que ce dispositif produise un son distinctif, il était encore éloigné du timbre traditionnel d’une guitare.
Lloyd Loar et les expérimentations chez Gibson
Dans les années 1919-1923, Lloyd Loar, responsable qualité chez Gibson, explore différentes techniques d’électrification. En 1923, il conçoit une guitare harpe électrifiée, précurseur des innovations à venir. Loar expérimente avec des prototypes de micros et de systèmes d’amplification, cherchant à obtenir une reproduction fidèle du son des instruments acoustiques.
Stromberg–Voisinet et Vega : La naissance du couple guitare/ampli
À la fin des années 1920, Stromberg–Voisinet et Vega innovent avec des banjos électriques, ouvrant la voie aux premières guitares électrifiées. En 1929, Stromberg-Voisinet annonce une guitare électrifiée dans une publicité, marquant un tournant dans l’industrie. Ces premières incursions dans l’électrification des instruments sont caractérisées par des micros électromagnétiques fixés directement sur la table de l’instrument, connectés à un amplificateur.
Adolph Rickenbacker et George Beauchamp : le pickup moderne
En 1931, Adolph Rickenbacker et George Beauchamp fondent la Ro–Pat–In Corporation, produisant la première guitare électrique utilisant un micro moderne. Leur innovation repose sur un micro magnétique captant uniquement les vibrations électromagnétiques des cordes, un concept révolutionnaire qui marque le début des guitares électriques modernes. Beauchamp conçoit un micro à deux aimants en forme de fer-à-cheval, encadrant une bobine électro-magnétique. Ce design sélectif permet de capter uniquement les vibrations électromagnétiques, éliminant les interférences acoustiques.
Gibson et la réponse à la concurrence : La ES–150 et le micro « Charlie Christian »
En 1934, Gibson réagit à la concurrence avec sa E-150, un lap steel en métal. En 1936, Gibson lance sa première guitare électrique à corps creux, la ES–150, équipée du micro rectangulaire « Charlie Christian », nommé ainsi en hommage au célèbre guitariste. Ce micro introduit une technologie novatrice avec ses deux aimants et son design spécifique. Gary Hart de chez Gibson dépose un brevet pour ce micro installé sous les cordes, évitant ainsi la compétition directe avec le micro de Rickenbacker qui passait au-dessus des cordes.
Paul Bigsby et Merle Travis : Le système de vibrato
En 1947, Paul Bigsby conçoit, en collaboration avec Merle Travis, une guitare électrique à corps plein, préfigurant les designs futurs. Cette collaboration aboutit à la création d’un instrument au corps innovant, doté d’un pan coupé et de mécaniques montées d’un seul côté de la tête. Outre le design, Bigsby devient également associé au système de vibrato, une innovation technologique majeure qui influencera de nombreuses guitares ultérieures.
Leo Fender et la guitare en série
Dans les années 1940, Leo Fender envisage la production en série de guitares électriques simples, fiables et faciles à fabriquer. La première vague de guitares électriques venait déjà de passer, et la Seconde Guerre mondiale ralentit le développement de cet instrument. Cependant, l’idée de Leo Fender n’était pas uniquement de fabriquer une nouvelle guitare, mais plutôt de pouvoir produire des guitares électriques en masse. Alors que les autres fabricants s’efforçaient de reproduire au plus près le son acoustique, Leo Fender choisit de faire de ce son électrique sa force. En 1946, après avoir formé la société K&F (avec Doc Kauffman, qui avait déjà travaillé sur les Rickenbacher Electros), Leo fonda la Fender Electric Instrument Company. George Fullerton rejoignit Fender en 1948, et ensemble, ils travaillèrent à la fabrication de guitares électriques à corps plein simples, fiables et faciles à fabriquer. La première réalisation fut l’Esquire, mise sur le marché en 1950, suivie de la Broadcaster quelques années plus tard. Ces guitares électriques marquèrent l’histoire en tant que premier vrai succès commercial, adoptant le concept de solid body.